Après les meurtres perpétrés par Coulibaly et les frères Kouachi, la plupart des enseignants, souvent démunis, ont voulu faire circuler la parole, organiser des débatsposer des mots sur ces événements glaçants. Dans le même temps, la ministre de l’Education nationale prévenait : tous les élèves ou les enseignants qui tiendraient des propos discutables seraient sanctionnés, voire signalés à la police.










Un exercice difficile qui pourrait coûter cher à Jean-François Chazerans, professeur de philosophie au lycée Victor-Hugo de Poitiers. Il s’est vu reprocher d’avoir «tenu des propos déplacés» lors de la minute de silence (à laquelle il assure cependant n'avoir pas assisté), jeudi 8 janvier, en hommage aux victimes, rapporte la Nouvelle République«Il y a eu des plaintes de familles, a expliqué au journal régional le recteur de l’académie de Poitiers, Jacques Moret. L’enseignant aurait tenu des propos déplacés […]. J’ai immédiatement diligenté une enquête. Le professeur a été suspendu. Il fallait l’éloigner de ses élèves. La procédure suit son cours. Le conseil de discipline statuera [le 13 mars, ndlr] sur la suite de sa carrière.» Sa suspension de quatre mois maximum a été agrémentée d’une plainte en justice. Le parquet de Poitiers a ouvert une enquête pour «apologie d'actes de terrorisme». Il encourt 75 000 euros d'amende et jusqu'à 5 ans d'emprisonnement. La teneur des propos en question n’a pas été précisée.
«Je suis arrivé un matin à 8 heures et la chef d'établissement m'a fait signer l'arrêté [de suspension] comme c'est la procédure, a expliqué Jean-François Chazerans, joint par téléphone, à Libération. Depuis, j'ai eu la convocation au conseil de discipline en mains, l'intitulé est : "propos inadéquats tenus en classe". J'aurais plus de détails lorsque j'aurais accès à mon dossier, un mois avant [la tenue de ce conseil]. J'ai six classes, je ne sais pas d'où ça vient.»

«JE SUIS SONNÉ, JE M'ATTENDAIS À TOUT SAUF ÇA»

Décrit par le quotidien régional comme un militant d’extrême gauche, Jean-François Chazerans s'était déjà exprimé, samedi, affirmant que les élèves avaient été à l’initiative du débat : «Je ne sais pas quel cours, quel débat est concerné. [Les inspecteurs d’académie m’ont] juste dit : "Ce sont des propos qui ont été tenus en classe." Je suis sonné, je m’attendais à tout sauf à ça. Ce fameux jeudi, j’ai organisé des débats avec mes six classes de terminale. Le but était de comprendre les causes du terrorisme en sortant autant que possible de la passion et de l’émotion du moment.»
Et d'insister : «Ma réaction de citoyen est de dénoncer avec force ces actes odieux, horribles. On ne peut quand même pas m’accuser d’avoir la moindre sympathie pour les jihadistes. Ce sont des groupes fascistes que je combats. Il n’y a pas eu une quelconque apologie du terrorisme lors de mes cours. Au contraire…»


LUNDI 5 JANVIER 2015